vendredi 29 mai 2009

MR CHEERLEADER

Après avoir servi deux ans dans la marine américaine au cours de la guerre 39-45, Lawrence Herkimer rentre chez lui au Texas. Dans les années qui suivent, il décroche un diplôme en éducation physique à l'université Southern Methodist (SMU) qui l'engage comme professeur presque tout de suite après sa graduation. Les weekends, celui que l'on surnomme Herkie, donne des cliniques de cheerleading dans les écoles des environs. Au fil des ans, il a développé une passion pour l'aspect technique de cette activité qui est un prolongement naturel de son domaine d'enseignement.

Très tôt, cette passion le pousse à inventer de nouvelles chorégraphies et de nouveaux sauts pour les meneuses de claques. Un de ces sauts, le "Herkie Jump" (voir photo ci-dessus) est devenu un classique du genre. Son enthousiasme et sa compétence le font vite remarquer. En 1948, il organise le premier camp d'entraînement estival pour les cheerleaders. Pour faire connaître son expertise, il fonde également un magazine : le MEGAPHONE. Emballés par sa popularité et ses talents, les directeurs d'écoles s'arrachent ses services. L'un d'eux fait une offre ferme à Herkimer : $ 500 comptant ou $ 1 par élève qu'il recrutera. Notre homme est du genre "gambler" et il choisit la seconde option car il a déjà constaté l'engouement des jeunes filles pour le cheerleading. Il gagne son pari haut la main en amassant rapidement plus de $ 4 500.

Devant ce succès retentissant, il décide d'abandonner son poste de professeur d'université. En 1951, il investit $ 600 dans la création de la NATIONAL CHEERLEADERS ASSOCIATION (NCA). Les affaires vont rondement, le nombre d'élèves payants ne cesse pas d'augmenter. Les cliniques de formation d'Herkimer se répandent dans presque tous les états des USA. Son instinct et son sens de l'entrepreneurship incitent Herkie à pousser encore plus loin sa business. Il se rend compte que, ce qui risque d'être le plus lucratif, ce ne sont pas les cours que sa bande d'instructeurs donnent mais bien tous les à-côtés comme les uniformes et les accessoires de cheerleaders. Cette niche d'affaire n'existe pas autrement que sous une forme artisanale rudimentaire et désorganisée.

Toujours guidé par son esprit aventurier, il mise le tout pour le tout en achetant une manufacture de textile pour la somme de $ 100 000. Il s'en servira pour la confection de costumes de meneuses de claques. Le succès est encore au rendez-vous. Il décide de continuer sur sa lancée en faisant l'acquisition d'une usine de fabrication de contenants de carton pour le lait. On y fabriquera désormais des mégaphones (porte voix). Herkimer ne s'arrêtera pas là. S'ajouteront à ses actifs des manufactures pour produire des rubans, des boutons, des chaussures, des blouses et des jupes. La fameuse jupette "à plis", si caractéristique des cheerleaders des années '50 et '60, tire son origine du travail de design de l'épouse d'Herkie, Dorothy. En 1953, Herkimer incorpore toutes ses entreprises dans une même compagnie. Ses affaires sont plus que florissantes car il a peu de concurrents. Mais l'édification de sa fortune colossale n'en est qu'à ses débuts. Une invention géniale propulsera bientôt sa compagnie vers de nouveaux sommets.

dimanche 24 mai 2009

À LA GUERRE COMME À LA GUERRE


On a souvent comparé le football à la guerre. On emploie encore souvent le même vocabulaire pour parler des deux phénomènes. On dit, par exemple, que le quart-arrière a lancé une bombe à son receveur éloigné ou que la défensive a effectué un blitz. Il est ironique que le cheerleading ait aussi suivi la filière guerrière. On a vu que le premier cheerleader, Thomas Peebles, a scandé un slogan inspiré d'une vieille marche militaire popularisée par un régiment de New York qui avait participé à la guerre de Sécession américaine (1861-1865). Et c'est toujours la guerre, cette fois-ci celle qui a secoué le monde de 1939 à 1945, qui donnera son essor au cheerleading. D'abord parce qu'elle favorisera le remplacement des hommes (mobilisés) par les femmes et ensuite parce que deux soldats revenus des champs de bataille auront l'idée d'appliquer et d'inculquer au cheerleading les méthodes et l'esprit de discipline des camps d'entraînement militaire.

Dans l'état de la Floride, en 1949, Bill Horan, un ancien parachutiste de l'armée américaine, tient un premier camp d'entraînement pour meneuses de claques. Lui-même un ancien membre du "Spirit Squad" de l'université de Miami, Horan vient de fonder l' "American Cheerleaders Association". Moyennant des frais de $ 45, chaque participante au camp est soumise à un régime de mise en forme assez sévère. Horan leur impose des exercices exigeants comparables aux drills des militaires. Il leur fait courir "le mile" régulièrement pour développer leur endurance. Leur tenue vestimentaire et leurs manières doivent être irréprochables. Pas de "mâchage" de gomme ou autre accroc à la bienséance. C'est à la guerre comme à la guerre.

Bill Horan ne veut pas seulement que ses élèves deviennent de bonnes meneuses de claques. Il déplore le fait que les jeunes filles manquent de caractère et n'osent pas occuper toute la place qu'elles pourraient prendre dans leur milieu scolaire. Dans une entrevue à la revue LIFE en 1965, Horan dira que sa plus grande réussite, sa plus grande fierté, aura été de faire en sorte que presque toutes "ses" filles s'affirment personnellement en tant que leaders à la tête du campus de leur collège ou de leur université. Donner au sexe "faible" la confiance, la force et le courage de vaincre ses peurs et de foncer sans complexe vers le dépassement de soi-même, comme à la guerre, c'est le plus bel héritage qu'il pouvait laisser à la jeunesse et à la société américaine. Sans s'en rendre compte et malgré ses méthodes d'enseignement "à la dure", Horan aura été un champion de l'émancipation féminine !

J'ai écrit plus haut qu'il y avait deux ex-soldats qui ont donné un nouvel essor au cheerleading après la Seconde Guerre Mondiale. Outre Horan, il y en a un autre dont l'histoire est fascinante et qui transformera sa passion pour le cheerleading en une véritable mine d'or et de diamants ! À suivre au prochain billet...

samedi 16 mai 2009

HOURRA ! LES FILLES ARRIVENT !

Au début du XXe siècle, le cheerleading s'organise. Une première fraternité est créée en 1903 sous le nom de GAMMA SIGMA. Les pratiques du cheerleading s'enrichissent, se diversifient et se popularisent. Mais cela demeure une activité réservée au genre masculin. De jeunes garçons servent parfois de mascottes. Ce n'est qu'en 1923 que l'université du Minnesota (encore elle !) permet à ses élèves féminins de joindre les rangs des cheerleaders. Elles sont très peu nombreuses car on commence à peine à leur ouvrir les portes des institutions d'enseignement supérieur.

Malgré leur petit nombre, les filles cheerleaders ont un impact immédiat sur le spectacle qu'elles présentent aux spectateurs en compagnie de leurs collègues masculins. Dans leurs routines, elles introduisent de nouveaux mouvements acrobatiques, de la danse et le "tumbling" (sauts périlleux dans les airs après lesquels les filles retombent dans les bras des porteurs masculins). Tout le monde remarque facilement leur agilité, leur souplesse, et, par-dessus tout, la grâce dont elles "enveloppent" leurs performances sur les terrains de sport. Pourtant, même en constatant la contribution notoire des filles au cheerleading, GAMMA SIGMA refuse de les accepter dans son union dans les années '20 et '30.

Le développement du cheerleading est encore fort peu avancé dans ces années folles qui seront suivies des années de la grande crise économique mondiale. À l'exception de quelques institutions scolaires avant-gardistes, les cheerleaders restent avant tout des "scandeurs" ou "yelling leaders".

En 1924, Lindley Bothwell, de l'université de l'Oregon, est à l'origine d'une nouvelle "mode" qui ajoute un élément important aux manifestations des foules qui assistent aux matchs de football. Il s'agit des "flash cards". Bothwell mobilise les étudiants pour la confection de milliers d'affiches colorées qu'ils auront pour mission de brandir au bout de leurs bras dans le stade, au signal des cheerleaders sur le terrain. Ce grand déploiement de pancartes dans les estrades forme un puzzle géant puisque chaque pancarte est un élément qui, en s'ajoutant aux autres selon un ordre précis, forme un immense dessin d'animal qui symbolise l'équipe de football locale, ou une mascotte, un logo, un slogan ou un message d'encouragement "animé".

À mesure que le phénomène du cheerleading gagne de nouveaux adeptes, la nécessité de se doter d'un instrument pour le propager devient évidente. En 1927, Wills Bugbee écrit le premier manuel à l'usage des meneurs de claques. Il contient des chants, des cris de ralliement et des slogans destinés à l'animation des foules assistant à des rencontres sportives.

Au commencement des années '40, lorsque la seconde guerre mondiale éclate, les hommes sont mobilisés pour le service militaire et les filles prennent leurs places dans les manufactures et... dans les rangs des cheerleaders. Même lorsque les gars reviendront de la guerre, les filles ne leur redonneront pas toutes leurs places. Les groupes ou "squads" de cheerleaders seront désormais formés généralement à part égale entre individus des deux sexes.

Sur la photo en tête d'article, on voit la cheerleader Ruth Krehbiel Trachesel posant "en pleins champs" devant le Memorial Stadium de l'université du Kansas, en 1943. Let's go Ruth ! Quelle grâce et quels mollets !

dimanche 10 mai 2009

LES "PREMIERS CHEERLEADERS"...

Thomas Peebles ne fait pas vieux os comme coach de l'équipe de Princeton. Dès l'année suivante, en 1884, il se retrouve dans les estrades avec les spectateurs. Mais il n'a rien perdu de son "pep" et continue à encourager l'équipe par ses cris, en invitant le reste de la foule à faire comme lui. Il devient ainsi un "yelling leader", celui qui mène l'assistance lorsque vient le temps de pousser les cris de ralliement. Il a bientôt des imitateurs qui s'équipent peu à peu de porte-voix pour accomplir leur mission en se plaçant à des endroits stratégiques dans les gradins. La nouvelle mode est adoptée par d'autres universités mais c'est l'université du Minnesota qui reste à l'avant-garde du mouvement.

C'est dans cette institution d'enseignement, en 1889, qu'un étudiant de première année en médecine, se distingue par sa fougue à titre de "yelling leader" aux matchs de football de l'équipe locale. Son nom : Johnny Campbell. Même après sa graduation, Campbell continue à jouer passionnément son rôle de "rallieur" de troupes. Il faut dire que son brio semble donner des résultats. Le club de l'université qui perdait plus souvent qu'à son tour se met à gagner plus régulièrement. Poussés par les clameurs de la foule partisane soulevée par les yelling leaders, les footballeurs se surpassent et battent maintenant des équipes qui avaient pourtant le dessus sur eux depuis des lunes.

Ce fait historique devrait être signalé à l'organisation actuelle des Lions de Détroit, de la NFL. Une des seules formations du football professionnel à n'avoir jamais eu de cheerleaders, elle est probablement aussi une de celles qui ont perdu le plus de parties depuis les dernières décennies !

Mais revenons-en à Johnny Campbell au Minnesota. Un événement cocasse survient le 2 novembre 1898. C'est le dernier match de la saison et, dans un élan d'enthousiasme débordant, Campbell ne peut se retenir et saute spontanément sur le terrain pour orchestrer les chants d'encouragements de la foule à partir des lignes de côté. Une autre étape vient d'être franchie. Les yelling leaders ne seront désormais plus seulement dans les estrades mais sur le terrain.

L'année suivante, en 1899 (la photo sous le titre de ce billet date de cette même année), Johnny Campbell forme une équipe de cheerleaders avec cinq autres gars de l'université du Minnesota. Ils constituent ainsi la première "squad" de cheerleading sur un terrain de foorball. Leurs activités et celles de ceux qui suivront leur exemple, se raffineront au cours des années subséquentes. Ils revêtiront des costumes et se coifferont de chapeaux particuliers. Outre des porte-voix, ils se serviront bientôt d'accessoires comme des cannes ornées de rubans, des fanions, etc. Les nouveaux meneurs de claques se mettront également à effectuer des sauts et des gestes des bras pour enflammer les partisans et donner, en quelque sorte, une forme de spectacle.

À n'en pas douter, au début du 20e siècle, les yelling leaders se métamorphosent en cherleaders.

mercredi 6 mai 2009

HISTOIRE DU CHEERLEADING (PART. 1)

Les jours de matchs pendant la saison active, les amateurs qui envahissent les stades un peu partout aux États-Unis, réalisent-ils qu'ils assistent non pas à un mais bien à deux événements sportifs. En effet, il n'y a pas que les joueurs sur le terrain qui donnent leur performance. Aux côtés des gladiateurs modernes, des dieux du stade, des poids lourds qui se livrent des guerres de tranchées, d'autres athlètes y vont de leurs meilleurs efforts et risquent parfois autant de se blesser que les vedettes qu'elles mettent en valeur. "Elles", ce sont les cheerleaders ou Pom-Pom Girls. Et si elles semblent pratiquer leur métier en beauté et en grâce, lorsque les projecteurs s'éteignent elles soignent peut-être, comme les footballeurs, divers petits ou gros bobos.

Dès leur enfance, durant leur long et dur apprentissage des figures, des mouvements de gymnastique et des autres acrobaties qui constituent la base du métier, rares sont les cheerleaders qui ne subissent jamais de blessures aux articulations, au dos, à la tête, aux épaules, aux bras ou aux jambes. Mais les nombreuses heures d'entraînement qui exigent tant de sacrifices, de force, de courage, de discipline et d'esprit d'équipe ont heureusement l'avantage de forger le caractère, la fierté, le sens artistique et le patriotisme de ces futurs citoyens. Les enseignants qui forment cette belle jeunesse leur donnent aussi le goût de la pratique des sports pour maintenir une bonne santé et une bonne condition physique. C'est une expérience et une école de vie qui serviront à ces jeunes tout au long de leur existence. Ce seront souvent des leaders et des personnes dynamiques qui agiront pour l'avancement et le bien-être de leur communauté tout en atteignant parfois un niveau élevé d'accomplissement personnel.

Le cheerleading, cette façon d'animer les foules pour soutenir des équipes sportives ou des athlètes, existe peut-être depuis la Grèce antique, aux temps des premiers jeux olympiques, plus de 775 années avant Jésus Christ. Des récits historiques de cette lointaine époque mentionnent que des foules partisanes manifestaient bruyamment leur appui à leurs athlètes favoris ou à ceux qui représentaient leur contrée, spécialement lors de la fameuse épreuve du marathon. Les cris de ces foules, de même que leurs comportements, étaient-ils influencés ou dirigés par des agitateurs, des organisateurs, des "meneurs de claques", qui furent ainsi les premiers cheerleaders de l'histoire ? On ne peut en être certains...

Ce qui est davantage documenté, c'est qu'en 1883, en Angleterre, des étudiants soulevaient les assistances lors d'événements sportifs en employant des moyens et des stratégies qui exigeaient une certaine planification. À peu près au même moment, de l'autre côté de l'Atlantique, à Princeton dans le New Jersey, le football américain en est encore à ses débuts après s'être émancipé de son ancêtre, le rugby. Les foules qui encouragent les équipes de football de ce coin des États-Unis utilisent déjà un chant de ralliement inspiré d'une marche militaire du 7e Régiment de New York et qui date de la Guerre de Sécession. Le premier entraîneur de football de l'équipe de Princeton, Thomas Peebles, s'inspirera à son tour de ce chant. Lorsque ses gars marquent un touché, Peebles nargue le camp adverse en leur criant : "Sis, Boom, Ahh ! Princeton" ! Une sorte de John Madden avant le temps quoi !

Pour répliquer à cette provocation, des membres du club opposé, W. Adams et "Win" Sargent inventent une riposte imaginée à partir de quelques mots du langage des Indiens Sioux qui peuplent encore leur coin de pays, le Minnesota. Ils se mettent à crier : "Rah, Rah, Rah ! Ski-U-Mah ! Minn- so - ta" ! Le reste de leur équipe et de leurs partisans les imitent même après la partie, le soir, dans les rues de la ville. On raconte que les résidents de la place n'avaient guère apprécié ces cris qui troublaient leur tranquilité. Plusieurs fenêtres de maison s'ouvrirent et des protestations retentirent bientôt, pour intimer aux fauteurs de troubles de fermer leur gueule et d'aller se coucher ! Qui aurait pu savoir alors que ce nouveau cri de ralliement serait toujours à la mode en 2009 à l'Université du Minnesota ? C'est pourtant bien le cas...